Frères
Hier et aujourd'hui
Histoire
Services
Encyclopédie
Visites

 9770310 visiteurs

 86 visiteurs en ligne

a- Pour la Fête de saint François d'Assise

J'ai eu le bonheur de vivre en Terre sainte, à Jérusalem, il y a bientôt trente ans. C'est là, tout jeune dominicain, que j'ai vu et entendu pour la première et la dernière fois, dans le grand réfectoire des frères de la Custodie, au jour de la fête de saint François,  le prieur des dominicains chanter pour les grâces : " notre Père François le Séraphique et notre Père Dominique l'Apostolique nous ont enseigné ta Loi Seigneur". Et la communauté des mineurs répondait en inversant l'ordre des fondateurs, par politesse et délicatesse fraternelle : "notre Père Dominique l'Apostolique et notre Père François le Séraphique nous ont enseigné ta Loi Seigneur".

Je crois me souvenir que c'est à une époque relativement tardive que cette coutume s'est fixée. Mais l'association dans un même éloge des deux Fondateurs, et à travers eux la célébration du lien fraternel qui unit nos deux Ordres, remonte au Moyen âge. Catherine de Sienne écrivait ainsi dans son Dialogue, à la fin du quatorzième siècle : " Dominique et François furent vraiment deux colonnes dans l'Eglise sainte : François avec la pauvreté qui le caractérisait particulièrement, et Dominique avec la science" (Dialogue 158).

L'alliance fraternelle de la pauvreté et du savoir est une leçon toujours utile. C'est une leçon morale, et certes les dominicains ont tout avantage à se souvenir qu'il ne suffit pas d'être savants pour entrer dans le Royaume de Dieu. Quant à mes frères franciscains, je ne doute pas un instant qu'ils sachent qu'il ne suffit pas non plus d'être pauvres. Mais la vérité que nous rappelle la représentation traditionnelle de l'accolade entre François et Dominique, aujourd'hui prolongée dans notre liturgie, est bien plus profonde qu'une leçon de morale.  Elle est le coeur de l'évangile, comme nous venons de l'entendre. Jésus vient de nous le dire une fois encore : ce que le Père cache aux savants, il le révèle aux tout-petits, et cela non pas seulement pour récompenser leur humilité et pour confondre l'orgueil des savants, mais parce que la vérité divine, le mystère de la Trinité sainte et de son dessein d'amour miséricordieux, est un mystère d'humilité.

Mon maître en thomisme était un vieux prêtre austère,  intraitable en matière doctrinale et ennemi de toute confusion. Je fus très surpris de lire dans son testament doctrinal : " je ne connais pas d'auteur spirituel dont la pensée soit en accord plus profond avec elle de saint Thomas que saint François d'Assise...dans leur vie eucharistique, leur amour des créatures et de la suprême Lumière, ils sont un." J'espère ne pas agacer mes frères franciscains par ce rapprochement. Surtout comprenez bien que je n'oublie pas que parmi nos docteurs les plus fidèles à l'esprit de François furent assurément en premier lieu saint Antoine, puis celui que François lui-même guérit tout enfant et qui jeune homme devint son fils avant d'être le gardien de ses frères : saint Bonaventure, puis celui qui mit son admirable subtilité au service d'un recentrement de toute spéculation sur l'amour : le bienheureux Duns Scot. Mais ce que veulent dire mon vieux maître et d'autres thomistes comme Chesterton, lorsqu'ils rapprochent Thomas de François, c'est que François, entraînant le vieux et branlant bâtiment de la chrétienté dans l'élan de son amour, a profondément renouvelé l'Eglise et a marqué de son empreinte tout son siècle, de sorte que tous les maîtres de son temps puis des générations postérieures, quelles que soient leur robe, qu'ils fussent franciscains ou pas, lui ont été désormais redevables.

Vous connaissez peut-être la belle strophe du Panis angelicus composée par saint Thomas : 

" Le pain des anges devient le pain des hommes. Le pain du ciel met un terme aux figures. Ô réalité admirable : il mange son Seigneur, le serviteur, le pauvre et le petit " (avant-dernière strophe de Sacris solemniis, office des Lectures de la Liturgie des heures)

Comment ne pas rapprocher le chant de Thomas de l'admonestation de François dans une lettre à tout l'Ordre :

" Que tout homme craigne, que le monde entier tremble, et que le ciel exulte quand le Christ, Fils du Dieu vivant, est sur l'autel dans les mains du prêtre ! Ô admirable élévation et stupéfiante faveur ! Ô humilité sublime ! Ô humble sublimité, que le Seigneur de l'univers, Dieu et Fils de Dieu, s'humilie au point de se cacher pour notre salut sous une modique forme de pain  Voyez, frères, l'humilité de Dieu et répandez vos coeurs devant lui : humiliez-vous, vous aussi, pour être exaltés par lui. Ne retenez donc pour vous rien de vous, afin que vous reçoive tout entiers Celui qui se livre à vous tout entier (Lettre à tout l'Ordre, 27-29). "

Thomas faisait écho à l'évangile de saint Matthieu lorsqu'il écrivait qu'il fallait être "serviteur, pauvre et humble" pour se nourrir du Pain de Vie qui est le Verbe fait chair. Mais François était allé déjà plus loin. Il avait donné à l'humilité chrétienne sa raison la plus profonde qui n'est pas morale, mais divine, théologale : seul le pauvre peut se nourrir de Dieu, parce que Dieu lui-même est humble, "humble au point de se cacher pour notre salut sous une modique forme de pain", humble jusqu'à se faire pauvre en Jésus pour gagner notre coeur et nourrir notre âme. François a redonné à tous les théologiens, plus largement à tous les ouvriers de l'évangile, l'horizon de leur ministère : l'humilité de Dieu. 

A l'école de Jésus, et de Jésus crucifié, François a découvert l'humilité de Dieu, et par le témoignage de sa vie et de son Ordre, il a renouvelé toute l'Eglise, qui avait froid et qui avait peur, en l'entraînant dans le mouvement d'amour d'un Dieu qui se fait humble parce qu'il est infiniment attentif à la plus petite de ses créatures, parce qu'il est tout miséricordieux, tout compatissant. Le bouleversement vécu par François à l'école de Jésus et par lui communiqué à toute l'Eglise est la forme de toute conversion à l'Evangile. Bouleversement de notre intelligences, de nos idées, en accueillant le vrai visage de Dieu, visage qui n'est pas celui d'un maître sévère et rancunier, mais celui d'un Père tout de bonté, mendiant notre amour et notre confiance.  Bouleversement de nos affections, qui sont appelées à trouver leur perfection non plus dans les jeux du prestige et de la séduction, mais dans la joie d'aimer et de servir le plus disgracieux de nos frères. 

Nous nous sommes tournés vers le siècle de François et de Dominique, de Bonaventure et de Thomas, parce que là est notre commune origine, frères mineurs et frère prêcheurs. Mais en évoquant l'origine, nous sommes en pleine actualité. Celle que notre pape souligne en plaçant son ministère sous le patronage de François. Nous devons aujourd'hui nous aussi témoigner de l'humilité de Dieu. Face à ceux qui pensent le servir par la violence, ou face à ceux qui au contraire l'excluent des sociétés et de la culture, au nom des droits de l'humanité. Nous devons aussi nous convertir nous-mêmes quotidiennement à l'humilité de Dieu, quand nous sommes tentés par les mirages du pouvoir, du confort, du plaisir. Seul le Dieu humble et bon qui est le Père de Jésus-Christ notre Sauveur mérite l'hommage de notre vie. Seul le Dieu humble et bon qui est le Père de Jésus-Christ notre sauveur mérite l’hommage de toute humanité. Notre Dieu et notre tout.  Amen.

Frère Gilles Berceville, OP

a- Pour la Fête de saint François d'Assise

J'ai eu le bonheur de vivre en Terre sainte, à Jérusalem, il y a bientôt trente ans. C'est là, tout jeune dominicain, que j'ai vu et entendu pour la première et la dernière fois, dans le grand réfectoire des frères de la Custodie, au jour de la fête de saint François,  le prieur des dominicains chanter pour les grâces : " notre Père François le Séraphique et notre Père Dominique l'Apostolique nous ont enseigné ta Loi Seigneur". Et la communauté des mineurs répondait en inversant l'ordre des fondateurs, par politesse et délicatesse fraternelle : "notre Père Dominique l'Apostolique et notre Père François le Séraphique nous ont enseigné ta Loi Seigneur".

Je crois me souvenir que c'est à une époque relativement tardive que cette coutume s'est fixée. Mais l'association dans un même éloge des deux Fondateurs, et à travers eux la célébration du lien fraternel qui unit nos deux Ordres, remonte au Moyen âge. Catherine de Sienne écrivait ainsi dans son Dialogue, à la fin du quatorzième siècle : " Dominique et François furent vraiment deux colonnes dans l'Eglise sainte : François avec la pauvreté qui le caractérisait particulièrement, et Dominique avec la science" (Dialogue 158).

L'alliance fraternelle de la pauvreté et du savoir est une leçon toujours utile. C'est une leçon morale, et certes les dominicains ont tout avantage à se souvenir qu'il ne suffit pas d'être savants pour entrer dans le Royaume de Dieu. Quant à mes frères franciscains, je ne doute pas un instant qu'ils sachent qu'il ne suffit pas non plus d'être pauvres. Mais la vérité que nous rappelle la représentation traditionnelle de l'accolade entre François et Dominique, aujourd'hui prolongée dans notre liturgie, est bien plus profonde qu'une leçon de morale.  Elle est le coeur de l'évangile, comme nous venons de l'entendre. Jésus vient de nous le dire une fois encore : ce que le Père cache aux savants, il le révèle aux tout-petits, et cela non pas seulement pour récompenser leur humilité et pour confondre l'orgueil des savants, mais parce que la vérité divine, le mystère de la Trinité sainte et de son dessein d'amour miséricordieux, est un mystère d'humilité.

Mon maître en thomisme était un vieux prêtre austère,  intraitable en matière doctrinale et ennemi de toute confusion. Je fus très surpris de lire dans son testament doctrinal : " je ne connais pas d'auteur spirituel dont la pensée soit en accord plus profond avec elle de saint Thomas que saint François d'Assise...dans leur vie eucharistique, leur amour des créatures et de la suprême Lumière, ils sont un." J'espère ne pas agacer mes frères franciscains par ce rapprochement. Surtout comprenez bien que je n'oublie pas que parmi nos docteurs les plus fidèles à l'esprit de François furent assurément en premier lieu saint Antoine, puis celui que François lui-même guérit tout enfant et qui jeune homme devint son fils avant d'être le gardien de ses frères : saint Bonaventure, puis celui qui mit son admirable subtilité au service d'un recentrement de toute spéculation sur l'amour : le bienheureux Duns Scot. Mais ce que veulent dire mon vieux maître et d'autres thomistes comme Chesterton, lorsqu'ils rapprochent Thomas de François, c'est que François, entraînant le vieux et branlant bâtiment de la chrétienté dans l'élan de son amour, a profondément renouvelé l'Eglise et a marqué de son empreinte tout son siècle, de sorte que tous les maîtres de son temps puis des générations postérieures, quelles que soient leur robe, qu'ils fussent franciscains ou pas, lui ont été désormais redevables.

Vous connaissez peut-être la belle strophe du Panis angelicus composée par saint Thomas : 

" Le pain des anges devient le pain des hommes. Le pain du ciel met un terme aux figures. Ô réalité admirable : il mange son Seigneur, le serviteur, le pauvre et le petit " (avant-dernière strophe de Sacris solemniis, office des Lectures de la Liturgie des heures)

Comment ne pas rapprocher le chant de Thomas de l'admonestation de François dans une lettre à tout l'Ordre :

" Que tout homme craigne, que le monde entier tremble, et que le ciel exulte quand le Christ, Fils du Dieu vivant, est sur l'autel dans les mains du prêtre ! Ô admirable élévation et stupéfiante faveur ! Ô humilité sublime ! Ô humble sublimité, que le Seigneur de l'univers, Dieu et Fils de Dieu, s'humilie au point de se cacher pour notre salut sous une modique forme de pain  Voyez, frères, l'humilité de Dieu et répandez vos coeurs devant lui : humiliez-vous, vous aussi, pour être exaltés par lui. Ne retenez donc pour vous rien de vous, afin que vous reçoive tout entiers Celui qui se livre à vous tout entier (Lettre à tout l'Ordre, 27-29). "

Thomas faisait écho à l'évangile de saint Matthieu lorsqu'il écrivait qu'il fallait être "serviteur, pauvre et humble" pour se nourrir du Pain de Vie qui est le Verbe fait chair. Mais François était allé déjà plus loin. Il avait donné à l'humilité chrétienne sa raison la plus profonde qui n'est pas morale, mais divine, théologale : seul le pauvre peut se nourrir de Dieu, parce que Dieu lui-même est humble, "humble au point de se cacher pour notre salut sous une modique forme de pain", humble jusqu'à se faire pauvre en Jésus pour gagner notre coeur et nourrir notre âme. François a redonné à tous les théologiens, plus largement à tous les ouvriers de l'évangile, l'horizon de leur ministère : l'humilité de Dieu. 

A l'école de Jésus, et de Jésus crucifié, François a découvert l'humilité de Dieu, et par le témoignage de sa vie et de son Ordre, il a renouvelé toute l'Eglise, qui avait froid et qui avait peur, en l'entraînant dans le mouvement d'amour d'un Dieu qui se fait humble parce qu'il est infiniment attentif à la plus petite de ses créatures, parce qu'il est tout miséricordieux, tout compatissant. Le bouleversement vécu par François à l'école de Jésus et par lui communiqué à toute l'Eglise est la forme de toute conversion à l'Evangile. Bouleversement de notre intelligences, de nos idées, en accueillant le vrai visage de Dieu, visage qui n'est pas celui d'un maître sévère et rancunier, mais celui d'un Père tout de bonté, mendiant notre amour et notre confiance.  Bouleversement de nos affections, qui sont appelées à trouver leur perfection non plus dans les jeux du prestige et de la séduction, mais dans la joie d'aimer et de servir le plus disgracieux de nos frères. 

Nous nous sommes tournés vers le siècle de François et de Dominique, de Bonaventure et de Thomas, parce que là est notre commune origine, frères mineurs et frère prêcheurs. Mais en évoquant l'origine, nous sommes en pleine actualité. Celle que notre pape souligne en plaçant son ministère sous le patronage de François. Nous devons aujourd'hui nous aussi témoigner de l'humilité de Dieu. Face à ceux qui pensent le servir par la violence, ou face à ceux qui au contraire l'excluent des sociétés et de la culture, au nom des droits de l'humanité. Nous devons aussi nous convertir nous-mêmes quotidiennement à l'humilité de Dieu, quand nous sommes tentés par les mirages du pouvoir, du confort, du plaisir. Seul le Dieu humble et bon qui est le Père de Jésus-Christ notre Sauveur mérite l'hommage de notre vie. Seul le Dieu humble et bon qui est le Père de Jésus-Christ notre sauveur mérite l’hommage de toute humanité. Notre Dieu et notre tout.  Amen.

Frère Gilles Berceville, OP

Fermer Fermer


Date de création : 04/10/2015 * 08:36
Catégorie : Hier et aujourd'hui - Homélies
Page lue 93346 fois

Thèmes spirituels
Renseignements

Pour nous joindre :
7 rue Marie-Rose 75014 PARIS
téléphone : 01 40 52 12 70
télécopie : 01 40 52 12 90
accueil@franciscains-paris.org

La porterie est ouverte
de 8 h 45 à 11 h 45 et
de 14 h 30 à 18 h 30

(sauf le dimanche)

La chapelle est ouverte
de 7 h 30 à 12 h 30
de 14 h 45 à 19 h 30.

  8 h : Laudes (dim. 8 h 45)
12 h : messe communautaire
18 h 30 : prière silencieuse
19 h : vêpres
DIMANCHE messe à 10 h 30

location des salles

Descriptif

Salle Duns Scot

80 m2, jusqu'à 40 personnes. Une salle agréable, d'accès immédiat puisque située au rez-de-chaussée.

Petites salles de réunion

Egalement au rez-de-chaussée, 4 petites salles conviviales pour 4 à 8 personnes.

Salle Saint-Antoine de Padoue

de 100 à 300 m2, avec une scène (jusqu'à 200 places).

Une salle moderne, en sous-sol, avec une vaste scène, un rideau électrique. Une puissante sono, avec micros fixes et sans-fil. Connection internet haut-débit, vidéo-projecteur. L'éclairage permet de diviser la salle en différentes zones, et distingue la scène de la salle. Une salle donc spécialement adaptée aux conférences.

Réservations :

Toutes les réservations se font par écrit après accord du frère responsable,

pour tout contact : salles@franciscains-paris.org

Photos salles

 
Merci pour votre visite !
Que le Seigneur Jésus-Christ accompagne votre route, et vous donne la Paix !

Tau_du_Bresil.jpg